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La question climatique constitue aujourd’hui l’un des enjeux les plus pressants de la gouvernance mondiale. Si elle est fréquemment présentée comme un terrain privilégié de coopération universelle, elle révèle également les rapports de puissance qui traversent et structurent les relations internationales contemporaines. Loin d’être neutre, la diplomatie climatique s’impose comme un espace où s’expriment rivalités stratégiques, intérêts économiques divergents et luttes pour le leadership global. Dans ce contexte, la problématique centrale de cette recherche est la suivante : dans quelle mesure la diplomatie climatique reflète-t-elle les rapports de puissance entre États, et comment ces dynamiques influencent-elles l’efficacité de la coopération internationale face au changement climatique ?
Pour répondre à cette problématique, l’analyse s’appuie sur un cadre théorique abordant deux approches majeures des relations internationales. D’une part, le réalisme est marqué par la compétition entre les grandes puissances et la défense prioritaire de leurs intérêts nationaux, même dans le cadre de négociations multilatérales. D’autre part, l’institutionnalisme qui insiste sur l’importance des organisations internationales, des régimes climatiques et des mécanismes de gouvernance transnationale dans la construction d’un cadre coopératif, malgré la stratégie des grandes puissances. Ce double cadre théorique met en lumière la tension centrale entre la logique de puissance et l’impératif de coopération.
La méthodologie adoptée repose sur une analyse qualitative et comparative de plusieurs Conférences des Parties (COP), notamment la COP21 de Paris, la COP26 de Glasgow et la COP28 de Dubaï. L’étude examine les accords internationaux adoptés, l’analyse des discours officiels et des positions diplomatiques des principales délégations, ainsi que l’observation des groupes formés par des pays vulnérables, notamment les petits États insulaires. Cette approche documentaire est enrichie par une lecture critique de la littérature académique sur la gouvernance climatique et la diplomatie environnementale.
Les résultats mettent en évidence plusieurs constats majeurs. Premièrement, la diplomatie climatique est devenue un instrument de soft power pour les grandes puissances : les États-Unis, la Chine et l’Union européenne utilisent la question climatique pour affirmer leur leadership, négocier des avantages économiques et imposer leurs normes technologiques. Deuxièmement, les pays en développement et les petits États insulaires, bien que disposant d’un poids économique limité, parviennent à se faire entendre grâce à des stratégies de coalition et à une diplomatie de la vulnérabilité, qui mobilise l’urgence de la survie face aux impacts du réchauffement climatique. Troisièmement, malgré des avancées importantes; comme l’Accord de Paris ou le récent fonds pour pertes et dommages; les rapports de force persistent et freinent l’adoption de mesures réellement contraignantes.
La discussion qui découle de ces résultats met en lumière une tension permanente entre fragmentation géopolitique et impératif de coopération globale. Si les rivalités stratégiques ralentissent la mise en œuvre d’actions ambitieuses, elles n’empêchent pas l’émergence de nouvelles formes de gouvernance hybride, où les États coopèrent ponctuellement tout en poursuivant leurs intérêts nationaux. Les organisations internationales, bien qu’imparfaites, jouent un rôle crucial de médiation et de légitimation, permettant au processus diplomatique de se maintenir malgré les déséquilibres de pouvoir. Toutefois, la question reste ouverte : la gouvernance climatique mondiale sera-t-elle capable de dépasser les logiques de puissance pour instaurer une coopération réellement inclusive et efficace, à la hauteur des défis planétaires ?
En conclusion, cette recherche entend enrichir le débat sur l’avenir de la gouvernance climatique en mettant en évidence le double rôle de la diplomatie climatique : d’une part, reflet des rapports de force internationaux, et d’autre part, espace potentiel de construction d’une solidarité mondiale essentielle face à l’urgence climatique.
Mots clés : Diplomatie climatique ; Coopération internationale ; Soft power ; Pays en développement