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Dans un monde où les crises climatiques, sanitaires et économiques s’enchaînent à un rythme inquiétant, une réalité s’impose : les petites et moyennes entreprises, bien qu’elles soient au cœur de nos économies, sont souvent laissées à elles-mêmes face à ces bouleversements. Au Maroc, les PME représentent un pilier essentiel du développement local, mais leur vulnérabilité est flagrante. Une sécheresse persistante, une flambée des prix, une pandémie ou encore une rupture d’approvisionnement peuvent suffire à mettre en péril des années d’efforts. C’est à partir de ce constat que nous avons choisi d’interroger un levier souvent évoqué, mais rarement exploité pleinement : la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Et si, au-delà des grands discours, la RSE pouvait réellement servir d’appui aux PME pour affronter ces crises et se reconstruire de manière plus durable ?
Notre recherche repose sur une triple interrogation : la RSE peut-elle aider concrètement les PME marocaines à traverser les crises environnementales et économiques ? Existe-t-il des outils – juridiques, fiscaux, institutionnels – capables d’encourager cette démarche ? Et enfin, qu’est-ce qui freine encore aujourd’hui l’intégration massive de cette logique de durabilité dans les pratiques des PME ? Nous avons voulu croiser notre réflexion juridique avec la réalité du terrain, dans une démarche à la fois ancrée et critique, pour comprendre ce qui fonctionne, ce qui bloque, et surtout ce qui pourrait évoluer.
Pour cela, nous avons mobilisé plusieurs références théoriques : des concepts issus du droit de l’environnement et du droit des affaires, mais aussi des travaux sur la résilience socio-écologique (Folke, Berkes & Ross) qui nous permettent de penser la PME comme un système vivant, capable de se réorganiser après un choc.
Méthodologiquement, Nous avons étudié des rapports nationaux marocains (produits par la CGEM, le HCP ou encore l’Observatoire du développement humain), des textes législatifs et réglementaires (comme la Charte de l’investissement ou la loi-cadre sur l’environnement), des travaux scientifiques spécialisés, ainsi que des documents d’organisations internationales telles que le PNUD, la Banque mondiale ou la BAD. Nous avons aussi examiné plusieurs études de cas concernant des PME marocaines ayant engagé des démarches environnementales concrètes : certifications ISO 14001, réduction des consommations d’énergie, meilleure gestion de l’eau ou des déchets, engagement communautaire…
Ce travail nous a permis d’identifier une tendance encourageante mais encore trop timide : de nombreuses PME marocaines prennent des initiatives écologiques, parfois discrètes, souvent inspirées par une conviction personnelle du dirigeant ou poussées par des exigences de partenaires internationaux. Ces initiatives montrent qu’il existe une vraie volonté d’adaptation, mais elles restent isolées, peu valorisées, et surtout peu accompagnées. On note l’absence d’un cadre structuré qui permettrait à ces pratiques de se multiplier et de se pérenniser. L’un des freins majeurs identifiés concerne justement l’environnement institutionnel et juridique. À ce jour, rien ne récompense véritablement les PME qui choisissent d’investir dans la durabilité. Il n’existe pas de label national reconnu, ni d’avantages fiscaux clairs, ni de système d’incitation réellement pensé pour les petites structures. Le financement de la transition écologique reste hors de portée pour beaucoup, et les dispositifs publics ne prennent pas toujours en compte leurs spécificités. Résultat : les efforts fournis restent invisibles, et les PME les plus engagées se sentent parfois seules dans leur démarche. À travers cette contribution, nous défendons une idée simple : la RSE ne doit plus être perçue comme une option réservée aux grandes entreprises ou comme un luxe que seules les sociétés solides peuvent se permettre. Elle peut, et doit, devenir un véritable outil de résilience. Pour cela, il faut repenser les politiques publiques, intégrer la RSE dans les critères des marchés publics, imaginer des financements accessibles, et surtout, reconnaître la diversité des formes que peut prendre l’engagement environnemental dans une PME.
En guise de conclusion, notre étude invite à porter un nouveau regard sur les PME dans la transition écologique au Maroc. Ces entreprises ne sont pas seulement des entités fragiles à protéger : elles peuvent être, à leur échelle, des actrices puissantes du changement. Mais pour cela, elles ont besoin d’un cadre clair, de soutien ciblé, et de reconnaissance. La RSE peut être un levier formidable pour renforcer leur résilience, à condition de leur donner les moyens d’y accéder et d’en faire un véritable pilier de développement. Notre démarche s’inscrit dans cette vision, celle d’une transition partagée, inclusive, et portée par les acteurs économiques de terrain.