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Description
Le changement climatique constitue aujourd’hui une menace mondiale pour la gestion des ressources en eau, exacerbant la sécheresse et la rareté hydrique dans de nombreuses régions du monde. Le Maroc, bien que riche d’une tradition séculaire de gestion de l’eau, fait face à des défis de plus en plus complexes en raison des conditions climatiques changeantes, de la croissance démographique, et des exigences de développement économique. Depuis six ans (2018-2024) , le pays connaît une succession d’années de sécheresse, entraînant une diminution drastique des réserves en eau des grands barrages et une surexploitation des nappes phréatiques. Cette situation, qui reflète une pression structurelle croissante sur les ressources hydriques, nécessite une gestion plus rigoureuse et intégrée de l’eau.
Conscient de ces défis, le Maroc a initié une transition majeure dans sa politique de gestion de l'eau. La première phase, débutée dans les années 1960, était principalement axée sur l'offre, avec la construction de grands barrages et d'infrastructures hydrauliques visant à mobiliser les ressources disponibles. Cependant, cette approche s'est avérée insuffisante face à la pression croissante sur les ressources et aux changements climatiques. Depuis le début des années 2000, la deuxième phase de cette politique a adopté une gestion axée sur la demande, favorisant une utilisation plus rationnelle de l'eau et la diversification des sources d'approvisionnement, comme le dessalement de l'eau de mer et la réutilisation des eaux usées.
Malgré ces efforts, le Maroc se trouve dans une situation de stress hydrique structurel. La baisse progressive de la disponibilité en eau par habitant, qui est passée de 2 560 m³ en 1960 à environ 606 m³ en 2023, témoigne d’une pression grandissante. Les projections futures sont encore plus alarmantes, avec une possible pénurie absolue de 500 m³ par habitant et par an d’ici la fin de la décennie.
C’est dans ce contexte que s’inscrit notre étude, qui vise à évaluer l’impact des politiques de gestion de l’eau mises en place depuis le début des années 2000 au Maroc. En particulier, nous nous intéressons à la deuxième phase de la politique de gestion de l’eau, marquée par la mise en œuvre de mesures significatives telles que le PNEEI et la mobilisation des ressources non conventionnelles. L’objectif principal est d’analyser dans quelle mesure ces politiques ont contribué à réduire le stress hydrique dans un contexte de changements climatiques de plus en plus sévères.
Le stress hydrique représente une situation critique où la demande en eau dépasse la disponibilité des ressources hydriques, un phénomène qui s'est intensifié ces dernières années au Maroc, exacerbé par divers facteurs tels que la variabilité climatique, la croissance démographique rapide et les besoins croissants en eau pour les secteurs de l'agriculture et de l'industrie.
La méthodologie adoptée pour cette étude repose exclusivement sur la méthode de contrôle synthétique, une approche rigoureuse qui permet d'évaluer l'impact des politiques de gestion de l'eau mises en place au Maroc depuis 2000 sur les niveaux de stress hydrique. Cette méthode est particulièrement adaptée dans le contexte où il n'existe pas de groupes de contrôle naturels, c'est-à-dire des unités n'ayant pas été affectées par les politiques étudiées, rendant difficile la comparaison des effets.
Le processus de contrôle synthétique consiste à créer un groupe de contrôle virtuel, composé de pays méditerranéens ayant des caractéristiques similaires à celles du Maroc en termes de climat, de ressources en eau et de développement économique, mais n'ayant pas adopté de politiques de gestion de l'eau comparables durant la même période. À partir de données préexistantes sur le stress hydrique et d'autres variables pertinentes, nous allons établir un modèle permettant d'assigner des poids à ces pays pour former une "synthèse" qui imite les tendances du Maroc avant l'intervention de 2000, et l'analyse des résultats se fera en comparant l'évolution du stress hydrique au Maroc post-2000 avec celle de ce groupe de contrôle synthétique. Cela permettra d'isoler l'effet des politiques de gestion de l'eau sur le stress hydrique, tout en tenant compte des facteurs exogènes qui pourraient influencer les résultats.
Les résultats obtenus à travers l’analyse des effets du traitement sur le stress hydrique au Maroc montrent une réduction significative de ce stress après l’implémentation de la politique de gestion de l’eau en 2000. Cette réduction est particulièrement marquée et se poursuit de manière soutenue jusqu’en 2020, avec un effet moyen du traitement estimé à -18.7989 sur l’ensemble de la période post-intervention. Cette évolution positive souligne l’efficacité des mesures prises dans le cadre de cette politique, en réponse aux défis croissants liés aux changements climatiques et à la pression accrue sur les ressources en eau.
Les résultats des tests placebo in-space et in-time viennent confirmer la spécificité de ces effets. La divergence marquée entre l'effet du traitement au Maroc et les effets placebo après 2000 démontre que la réduction du stress hydrique n'est pas le fruit du hasard, mais bien le résultat direct des politiques mises en œuvre. Cela valide non seulement l’approche adoptée par le Maroc, mais aussi l’efficacité des réformes et des investissements réalisés dans le secteur de l’eau.
Mots clés : Maroc, stress hydrique, politique de l'eau, contrôle synthétique, gestion des ressources en eau.