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Description
Dans un contexte global marqué par l’entrée dans l’anthropocène, cette ère géologique où l’empreinte humaine a profondément bouleversé les équilibres environnementaux, les enjeux liés à l’eau s’imposent comme des indicateurs critiques des transformations socio-écologiques. Le dérèglement climatique, la raréfaction des ressources naturelles, l’urbanisation accélérée et les usages intensifs de l’eau exacerbent les pressions sur les milieux, en particulier dans les zones arides, qui apparaissent aujourd’hui comme des laboratoires extrêmes de la durabilité. Dans ces territoires, la vulnérabilité n’est pas uniquement liée à la pénurie physique de l’eau, elle est également institutionnelle, socio-économique et politique, amplifiée par la faiblesse des mécanismes de coordination, les conflits d’usage, les inégalités d’accès à l’eau, et l’insuffisante participation des acteurs locaux aux processus décisionnels.
La région méditerranéenne, l’une des hotspots du changement climatique selon le GIEC, illustre particulièrement bien cette situation. Entre les sécheresses prolongées, la baisse tendancielle des précipitations, l’augmentation des températures et la salinisation des nappes phréatiques. Le Maroc, en tant que pays du Sud méditerranéen, fait face à des défis intenses liés à la gestion de ses ressources hydriques, en particulier dans les zones arides du Sud et de l’Oriental. Ce contexte met en lumière la nécessité d’une réinvention de la gouvernance de l’eau, qui ne peut plus reposer uniquement sur une logique technocratique ou centralisée. Il devient impératif d’adopter des approches territorialisées et adaptatives, capables d’embrasser la diversité des réalités locales, de prendre en compte les dynamiques d’interdépendance entre acteurs (publics, privés, communautaires, scientifiques) et de construire des mécanismes de gestion plus justes, transparents et inclusifs. Pourtant, dans la littérature scientifique, les concepts de gouvernance et de résilience demeurent souvent traités de manière disjointe surtout dans les contextes des régions arides.
La présente communication propose une revue systématique de la littérature scientifique afin d’examiner la manière dont les travaux académiques ont articulé, depuis les deux dernières décennies, les notions de gouvernance et de résilience dans les zones arides. À travers une méthodologie rigoureuse basée sur les protocoles PRISMA et une sélection d’articles indexés dans les bases de données Scopus entre 2000 et 2024, cette revue vise à faire émerger les courants de pensée dominants, les écoles de recherche, les terrains les plus étudiés, ainsi que les cadres analytiques mobilisés pour penser la gestion de l’eau dans des environnements hautement vulnérables. La problématique qui guide cette contribution est la suivante : quelle place la littérature scientifique accorde-t-elle à l’articulation entre gouvernance et résilience hydrique dans les zones arides, et que nous dit-elle des leviers mobilisables pour faire face au stress hydrique dans ces territoires vulnérables ?
L’analyse portera une attention particulière aux formes de gouvernance (collaborative, polycentrique ou adaptative, ainsi qu’aux différentes conceptions de la résilience — qu’elle soit hydrologique, sociale, institutionnelle ou systémique. Elle mettra également en lumière les références théoriques les plus mobilisées (GIRE, socio-hydrologie, systèmes socio-écologiques, théorie de la transition, etc.), les tensions et controverses conceptuelles récurrentes, et les lacunes persistantes, notamment en ce qui concerne la territorialisation des politiques de l’eau. L’objectif est de dresser une cartographie analytique de l’état des savoirs à l’intersection de ces deux concepts clés, d’identifier les zones d’ombre, les biais géographiques ou méthodologiques, et de proposer des pistes d’intégration conceptuelle plus robustes, en particulier adaptées aux défis des territoires arides du Sud, comme ceux du Maroc. Ce travail ambitionne ainsi de contribuer à une meilleure consolidation du dialogue entre les approches de la gouvernance et celles de la résilience, afin de penser des systèmes hydriques plus durables, plus équitables et mieux ancrés dans les dynamiques territoriales.
Mots-clés : Gouvernance, Résilience, Stress hydrique, Revue systématique de littérature.